Depuis quelques semaines se déroule en Estrie un scénario inquiétant. Les trois membres du conseil d’administration de la Villa Belle Rivière de Richelieu, un OSBL d’habitation dont la convention d’exploitation est échue depuis 2014, ont pris la décision sans consulter les locataires de vendre leur immeuble de 60 logements un promoteur privé. La situation est d’autant plus préoccupante que ces derniers mois, d’autres organismes dans cette région ont pris le même chemin et que ce sont au final 232 logements qui disparaissent du parc de logement sans but lucratif pour devenir des logements privés. Outre le risque d’éviction qui plane désormais sur les locataires de ces immeubles, le phénomène est particulièrement préoccupant, puisque ces immeubles d’habitation communautaires ont bénéficié de subventions gouvernementales dans le cadre d’anciens programmes fédéraux.
Dans ce contexte, la décision des administrateurs d’engranger un profit personnel à partir d’actifs immobiliers collectifs est particulièrement révoltante. Une telle démarche n’est possible que parce que la loi qui encadre les OSBL d’habitation ne protège pas le patrimoine collectif issu de l’habitation communautaire comme le permet la Loi sur les coopératives, qui a été modifiée en 2015 pour prévenir ce type de situations.
Les locataires, des élus locaux ainsi que la FROHME se mobilisent afin d’éviter que ces logements disparaissent du parc communautaire au profit du secteur privé. Ils ont notamment été appuyés le 24 mars dernier à l’Assemblée nationale par Mégane Perry Mélançon, députée de Gaspé et porte-parole en habitation pour le Parti Québécois. Celle-ci a tenté de déposer une motion interdisant la vente d’immeubles appartenant à un OSBL d’habitation, mais elle n’a pas été appuyée par la CAQ. Le dossier a depuis été porté en appel devant la Cour supérieure, qui a rejeté le 1er avril la demande d’injonction des locataires sous prétexte qu’il n’y avait pas de preuve suffisante que les locataires seront lésés suite la vente de l’immeuble.
Le scandale que constitue la possibilité de vente d’immeubles construits à même des fonds publics ne prend pas en compte la réalité particulière de notre secteur. Les fins de conventions des immeubles construits dans le cadre des programmes fédéraux laissant craindre que de telles situations déplorables se reproduisent. À cette fin, le conseil d’administration du RQOH travaille présentement sur des propositions afin de défendre le droit au logement, et la pérennité du patrimoine collectif que constituent les OSBL d’habitation.
Ce travail explorera différentes avenues, de la constitution de fiducie de logement communautaire à l’extension des pouvoirs d’intervention des municipalités, en passant par une modification de la Partie III de la Loi sur les compagnies en s’inspirant de celle sur les coopératives. Les résultats de ces travaux feront l’objet de communications futures.